Pourquoi le Parlement européen ne sera pas à Rio+20

Tribune publiée par Sandrine Bélier sur Slate.fr le 14 mai.

La raison, le prix des chambres d’hôtel, pourra vous sembler triviale. Mais, avant même son ouverture, le 4e Sommet de la Terre commence mal, selon Sandrine Bélier.

La délégation officielle du Parlement européen composée de 11 eurodéputés (dont je faisais partie) qui devait participer au 4e Sommet de la Terre de l’ONU Rio+20 (du 20 au 22 juin) ne se rendra finalement pas au Brésil.

En annulant sa participation, le Parlement européen souhaite dénoncer l’explosion tarifaire des conditions d’hébergement à Rio pendant le Sommet. 30.000 personnes sont attendues pour une capacité de 20.000 hébergements. Une situation dont l’hôtellerie brésilienne semble vouloir profiter en majorant à l’excès le prix des nuitées et conditions d’accueil des délégations officielles (les prix ont été multipliés par 10 entre le moment de la réservation et sa confirmation).

L’appel récent lancé aux hôteliers par Fernando Collor de Mello, le président de la commission des relations extérieures du Sénat brésilien n’y changera sans doute rien. Pas plus que notre demande adressée au Président du Parlement européen de dénoncer officiellement cette situation.

Mais derrière l’argument budgétaire et financier avancé, je souhaite aujourd’hui énoncer ma profonde inquiétude sur le déroulé et l’issue de ce Sommet qui assurément commence mal.

Ma courte expérience des Sommets internationaux m’a appris combien les conditions d’organisation pouvaient influer sur l’état des négociations. On se souvient tous du Sommet de Copenhague. Et l’avancée des pré-négociations, menées depuis janvier à New York, ne dément assurément pas cette inquiétude d’un Sommet qui ne sera pas à la hauteur des enjeux auxquels la communauté internationale doit faire face. Alors que l’un des principaux enjeux de ce Sommet consiste à se donner les moyens de redonner du souffle et du sens à l’économie par l’écologie, de renforcer les instruments, l’inclusion citoyenne et la collaboration internationales face à des réalités nouvelles: l’épuisement de nos ressources naturelles, l’accélération de la perte de la biodiversité et le dérèglement climatique.

Des réalités incontournables, face auxquelles le Parlement européen a décidé de s’engager. Il a défini les enjeux et les réponses à apporter dans sa résolution du 29 septembre 2011, unanimement jugée par la communauté internationale comme la position la plus ambitieuse pour ce Sommet. Et depuis près d’un an, nous n’avons eu de cesse de tenter de peser pour que le 4e Sommet de la Terre débouche sur le renforcement des outils de préservation de nos mers et océans, l’adoption d’un statut de réfugiés environnementaux ou encore de nouveaux principes fondamentaux comme le principe de non-régression.

Nous n’avons eu de cesse de rappeler que la biodiversité terrestre et marine, transport, énergie, agriculture et sécurité alimentaire, nouvelle gouvernance environnementale mondiale, instruments de régulation des marchés, nouvelles technologies et financements sont autant de thèmes pour lesquels des solutions ambitieuses devront être collectivement portées et mises en oeuvre si l’on souhaite que Rio+20 constitue un tournant majeur de sortie de crise économique et sociale.

La flambée des tarifs hôteliers est une réalité face à laquelle on ne peut que regretter que le gouvernement brésilien n’ait pas su peser. Mais l’absence du Parlement européen au Brésil pose bien plus qu’une question matérielle. Elle pose aussi, et surtout, une question hautement symbolique tant en termes de gouvernance, de transparence et participation à la diplomatie internationale, que de volontarisme politique de l’Union européenne à se donner les moyens de peser sur le destin du monde par et avec la voix de ceux qui représentent les citoyens européens.

Sandrine Bélier

Remonter